Réalisé par Alfonso Cuarón ; écrit par Alfonso et Jonás Cuarón.
…Humanité spatiale
Il aura fallu 7 ans au réalisateur
mexicain Alfonso Cuarón pour nous revenir avec un nouveau film après le déjà
très bon Les fils de l’homme (2006).
L’attente n’aura pas été veine au vu du bal spatial qui se déploie devant nous,
et même au-delà puisque le film est réalisé dans une 3D impeccable qui nous
propulse, littéralement, en apesanteur avec les deux seuls personnages. Car c’est là un des nombreux tours de force
du film : faire évoluer deux astronautes, seuls, au sein du plus vaste et
du plus incroyable des paysages, l’orbite terrestre. Car si les images sont
d’une beauté vertigineuse, elles n’ont pas une simple valeur illustrative. Elles
sont habitées par un souffle, celui de ces êtres humains qui vont vivre une
virée en haute-altitude et sous haute tension qui les emmènera loin du sol mais
au plus près d’eux-mêmes.
Nous éblouir par la splendeur de
cette Terre vu d’en haut n’aurait pas été suffisant et Alfonso Cuarón l’a bien compris en remettant sans
cesse les personnages au centre de cet espace à la fois fabuleux et dangereux. En
effet, à la suite d’une collision, le commandant de la navette Matt Kowalski (Georges Clooney) et l’astronaute Ryan
Stone (Sandra Bullock) se retrouvent
hors de tout habitacle, à la merci d’une dérive sans espoir dans le noir. La
première séquence happe le spectateur dans une immersion qui ne le quittera
plus : un fluide et admirable plan séquence d’une quinzaine de minutes
nous laisse déjà comblés. Et si les voix des astronautes précèdent l’arrivée de
la navette qui se fera lentement, par la profondeur de champ, c’est déjà pour
mettre en exergue un des éléments fondamental du film : le fait de
dialoguer, de communiquer. Entendre l’Autre, c’est être vivant.
La fin brutale du plan séquence
de cette ouverture en forme de ballet suspendu tournant au tragique correspond
précisément à l’amorce de dérive qui emporte Ryan. Il y a rupture du câble
comme il y a coupure dans la continuité de l’image. Le basculement est ainsi
doublement effectif. Mais nous ne perdons pas pour autant notre contact avec
l’astronaute en perdition, nous sommes à ses côtés. C’est un des autres atouts
forts du film : toujours être au plus proche de ce que vivent les exilés
de l’espace. Plusieurs plans en caméra subjective nous font d’ailleurs épouser
la vision de Ryan, sa rétine comme son angoisse deviennent les nôtres. Un
regard caméra scelle d’ailleurs cette réciprocité.
L’effet de proximité dans cet
univers si particulier, sublimé par l'utilisation habile et intelligente du
relief, concoure là-aussi à cultiver l’humanité derrière la combinaison, armure
cocon dont l’extirpation vaudra une scène à la grâce fœtale. Référence à 2001 (Kubrick) comme à de nombreux
autres films du genre, la courageuse Ryan nous rappelant immanquablement la
mythique Ripley de la saga Alien.
Renvoi également à son précédent film, Les
fils de l’homme, où l’espoir d’une nouvelle humanité était au cœur du
propos.
Le réalisateur maîtrise ainsi sa
mise en scène en sachant combiner des scènes à l’adrénaline poussée dans ses
retranchements à des scènes poétiques et intimistes comme la confession de Ryan
sur sa fille disparue. Là, en pleine dérive autour de la Terre, toujours ce
retour à l’humain. Et parmi les objets qui flottent, l’élément que la caméra
choisit de fixer dans la netteté, c’est une larme qui vient se diluer sur notre
œil. Ou comment se servir d’un effet ostensible (la 3D intrusive) comme d’un
marqueur sensible.
Le Soi est ainsi ce qui perdure, là où l’ampleur des images aurait pu
le noyer. Et le filet des voix (le commandant, les techniciens dans la radio, des
sons humains bien lointains, la propre voix de Ryan espérant une réponse) est
bien ce fil conducteur d’un voyage saisissant qui nous fait être. Si Gravity nous éloigne de la Terre, c’est pour mieux nous y ramener,
avec force et conviction, à travers ce spectaculaire spectacle céleste à la
fougue existentielle.
23/10/13
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