Réalisé par Christopher Nolan; écrit par Christopher et Jonathan Nolan
...Le héraut du peuple
Alors que les rêves étaient ce qui faisait battre le cœur du dernier
film de Christopher Nolan avec Inception, le cauchemar confère son rythme au
dernier opus de la saga Batman, relancée en 2005 pour une trilogie
impressionnante. Le chaos et la terreur atteignent leur paroxysme dans une
Gotham ravagée par le Mal, incarné cette fois-ci par Bane, surhomme haineux
contre lequel Batman mènera son dernier combat sous l’ère Nolan. Mais que la
route sera tortueuse pour le héros déchu, lui qui aimait l’ombre, il n’est plus
que l’ombre de lui-même. Plus que jamais, il lui faudra tomber pour mieux se relever.
Le dernier opus nous enferme ainsi dans un climat aussi étouffant qu’époustouflant.
Le premier film avait consacré
un héros, le second l’avait vu se sacrifier, le dernier scande sa rédemption. La
trilogie de Christopher Nolan forme un tout cohérent, une seule et même toile d’araignée
dont tous les fils se rattachent à un centre, celui du questionnement inaugural :
pourquoi tombe-t-on ? Pour mieux se relever. La phrase fut enseignée au
jeune Bruce par son père lors de sa chute fondatrice dans le puits, et voilà qu’elle
ressurgit depuis les tréfonds de l’enfer, dans ce gouffre où Bane a condamné ce
qu’il reste de Batman. La phrase sentencieuse prend des aspects mystiques, elle
nous rappelle la parole Biblique du
Livre des Proverbes « Car sept fois
le juste tombe, et il se relève, Mais les méchants sont précipités dans le
malheur. » (24 : 16). L’allusion est amplifiée par les actes
puisque qu’il faudra littéralement à Batman renaître à la lumière pour
incarner, de façon définitive, le sauveur de Gotham, redevenue la ville du
pêché.
Car la croyance en l’icône de
Harvey Dent, le procureur du second volet poussé au vice et à la folie par le Joker,
maintient le peuple dans une harmonie relative puisqu’elle repose sur un
mensonge. Batman s’étant accusé du meurtre de Dent pour préserver l’aura
bienfaitrice du White Knight. Emacié
et impotent, le justicier solitaire a laissé place aux ruines d’un homme ravagé
par le tribut qui incombe à la paix. Même Alfred, le fidèle parmi les fidèles,
quitte un manoir, certes reconstruit, mais qui n’abrite plus que les fantômes
du passé, comme en témoignent ces draps blancs recouvrant le mobilier. L’arrivée
de Bane provoque alors aussi bien la destruction que la reconstruction, celle d’un
homme qui n’en n’a pas fini avec Batman. Le solitaire ne l’est plus tout à fait
d’ailleurs, il se voit seconder par un nouvel adjuvant, le vaillant policer Blake
tandis que la gracile et enjôleuse Catwoman rôde.
Ainsi, le mouvement ascensionnel
du costume se hissant du sol résume celui du film : une remontée, une
reconquête, celle d’un territoire (Gotham livrée aux pires des criminels) mais
aussi, et surtout, celle d’une aura déchue. Quand la vérité sur Dent se fait
jour, l’icône salvatrice se retrouve vacante et l’essence perdue de l’homme en
noir redevient éclatante. Car là est toute la problématique que Christopher
Nolan a instaurée au fil de ses trois films : le spirituel va de pair avec
la quête de soi et le parcours de Bruce Wayne est celui d’un homme qui doute. De
ses capacités tout d’abord, il lui faudra combattre sa peur grâce à son mentor Ra's
Al Ghul puis faire face au douloureux échec en perdant l’être aimée avant d’imposer
à lui-même et aux yeux de tous la force
de son symbole.
Autant d’épreuves initiatiques pour la libération définitive de la ville source de tous les maux (meurtre inaugural des parents) que pour sa propre libération. Cette recherche de soi-même à travers le questionnement des actes étaient déjà en germe dans son Memento (2000) avant d’atteindre son climax dans Inception (2010) avec une plongée au sens propre dans les rêves et les désirs les plus enfouis, au risque de s’y perdre.
Autant d’épreuves initiatiques pour la libération définitive de la ville source de tous les maux (meurtre inaugural des parents) que pour sa propre libération. Cette recherche de soi-même à travers le questionnement des actes étaient déjà en germe dans son Memento (2000) avant d’atteindre son climax dans Inception (2010) avec une plongée au sens propre dans les rêves et les désirs les plus enfouis, au risque de s’y perdre.
Incarner ou laisser incarner
le symbole, survivre ou vivre, être le message ou bien le transmettre, à l’heure
des choix et de l’apocalypse, c’est de façon tonitruante que se conclut le dernier
chapitre d’une aventure épique. L’impeccable musique d’Hans Zimmer prend aux
tripes tandis que le souffle des explosions fait battre les tourments
intérieurs. Et tandis qu’on statufie l’incarnation d’une nouvelle ère, dans les
profondeurs, sous l’égide des habitants ailés, s’élève la relève…
Romain Faisant, 25/07/12. Publié et mis en une sur le site de L'express.
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