Réalisé par Derek Cianfrance; écrit par Ben Coccio, Darius Marder et Derek Cianfrance.
... De pères en fils
Il y a un chevalier blanc (dans
ses habits de représentant de l’ordre) et un chevalier noir (dans sa
combinaison et sur sa monture noire), un policier et un bandit mais deux pères
de famille et ce sont dans les nuances de couleurs que tout se joue. Quand de
la fracture née l’ossature. Le film de Derek Cianfrance nous remue comme il
remue l’histoire de ses personnages sur trois périodes temporelles, focalisées
chacune sur des protagonistes différents mais tous intimement liés par une
filiation. Celle d’un même drame. Le réalisateur nous accroche avec force à ces
lignes de vies qui se lient autour d’un délit. On reste captiver par ce qui se dénoue
devant nous. Développer l’histoire sur une longue période est une riche idée
qui confère à l’ensemble une ampleur prenante et consistante. Soit un
cascadeur, Luke (Ryan Gosling, qui retrouve le réalisateur de Blue Valentine ,2010) qui souhaite
prendre part à la vie de son fils encore bébé dont il vient d’apprendre
l’existence. Soit un policier, Avery (Bradley Cooper), qui va se retrouver
confronter à Luke devenu bandit par nécessité. Soit les deux fils, des années
plus tard, qui se rencontrent, ignorant l’altercation décisive qui a uni leurs
pères.
Derek Cianfrance construit
remarquablement bien son portrait en miroir de deux pères que tout oppose. L’un
est un baroudeur tatoué et musculeux (le plan séquence inaugural est exemplaire
dans son approche stylistique du personnage), l’autre est un policier investi
et courageux (l’assaut qu’il fait seul). Mais déjà leurs actions les
rapprochent : n’ont-ils pas chacun ce goût du périlleux, de la conquête, d’une
place dans la vie de son fils pour l’un, d’une montée en grade pour l’autre ?
Ces vies parallèles qui s’entrechoquent entre le poursuivant et le poursuivi
nous ramènent bien sûr à Heat
(Michael Mann, 1995). Mais une seule confrontation ici, fugace et déterminante
et une succession de pans de vie, non une alternance. Des portraits également à nuancer. En effet,
le casse-cou se montre déterminé dans son rôle de père même s’il choisit pour
cela le chemin des braquages. Il a une vraie tendresse pour son fils et son
ancienne copine, Romina (Eva Mendes), la scène de la photo contient l’idée et
l’image de ce bonheur. De l’autre côté, l’ambition d’Avery se fait rapidement
jour, quitte à se construire sur une interprétation erronée de l’altercation
entre lui et Luke. Un long champ- contrechamp marque l’instant spéculaire entre
ce qui a été et ce qui va être. Comment la vie de l’un va perdurer dans la vie
de l’autre.
Puis c’est le temps de la
filiation, aux pères succèdent les fils, aux silences s’imposent les remords. Et
le fils le plus égaré n’est pas celui qu’on croit. Ils vont eux vivre sur la
durée cette relation que n’ont pas vécue leurs pères et qui pourtant continue
de les marquer. Le réalisateur poursuit avec dextérité le tissage des liens
par-delà les années et comme cette photo du bonheur qui revient à des moments
clés, certaines scènes se vivent par l’écho qu’elles provoquent (Luke donnant
de l’argent à Romina sur le parking, Avery reproduira ce geste ; la
forêt ; l’altercation armée entre les deux fils dans la chambre renvoyant
à celle de leurs pères). L’atmosphère à la fois violente et mélancolique,
l’adéquate bande-originale et la présence de Ryan Gosling, ne sont pas sans
rappeler Drive (Nicolas
Winding Refn, 2011). Derek Cianfrance réalise une œuvre dans la même
veine avec un talent certain et un casting à la hauteur des destins qu’il a
liés puis déliés devant nous.
24/03/13
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire