Réalisé par Ridley Scott; écrit par Damon Lindelof
,Jon Spaihts et
Ridley Scott
...La filiation monstrueuse
Attendu comme le messie, le dernier film de Ridley Scott devait nous ramener, sinon aux origines d'Alien,
tout du moins dans un univers semblable à cette saga, entre
science-fiction et épouvante, commencée en 1979. C'est donc chose faite
avec ce nouvel opus qui dresse de nombreuses passerelles entre le
présent et le passé. Trop peut-être. Le terrain est connu et l'inconnu
n'est pas forcément le plus prégnant même si l'atmosphère soignée,
oppressante et mystérieuse séduit toujours. Le thème de la filiation qui
parcourt le film est donc également celui d'un univers filmique qui
ravive malgré tout en nous peurs primaires et plaisirs horrifiques.
Le retour vers le passé est ce qui motive la marche du film,
tous les événements n'auront de cesse, alors même que les personnages
tendent vers l'avant, de converger vers un point inaugural, vers une
source mystérieuse, celle de la vie humaine. Question métaphysique
ultime de l'être humain: comment tout a commencé? Là où la saga Alien nous confrontait au présent de la bête, à son affrontement et in fine
à sa destruction, il s'agit ici de trouver la bête pour la questionner
sur notre passé. Mais cette créature, qui n'est pas celle que l'on
connaît, se révèle être au contraire un ancêtre humanoïde, dessiné sur
des supports antiques et en particulier dans une grotte où l'on fait
connaissance avec le docteur Elisabeth Shaw (Noomi Rapace, qui a un air de Winona Rider dans Alien IV). Elle met à jour, littéralement, une fresque qui se révèle être une carte stellaire.
Les premiers pas à bord du vaisseau nous sont familiers, Ridley
Scott nous propose un nouveau dédale high-tech avec les fameux caissons
de voyage, ces sarcophages où les membres de l'équipage sont plongés
dans le sommeil, le temps du voyage. Image culte. Souvenirs tenaces. On
pense bien sûr aussi à 2001 (Kubrick,
1968), non seulement pour l'environnement, mais également pour ce côté
métaphysique de la quête des origines. Ce désir de comprendre, de
remonter le temps est le véritable renouveau du film qui a parfois
cela-dit tendance à trop revenir sur son propre passé fictionnel.
L'importance des traces et de la transmission est ainsi au cœur de l'action: David, le robot, lit les souvenirs d’Élisabeth
lorsqu'elle dort, celle-ci se souvient précisément d'une discussion avec
son père ethnologue. De même, un conflit se fait jour entre le robot,
fils spirituel du financier de l'expédition et sa fille légitime,
jalouse de sa place. Cette recherche des pères fondateurs renvoie à Élisabeth sa propre incapacité à procréer tandis que de nombreux
hologrammes font revivre ce qui "a été". Cela met alors sur le même plan
passé et présent, à l'image des personnages humains, eux-mêmes
héritiers de ceux qu'ils sont venus côtoyer. Héritage fictionnel
également, avec par exemple les combinaisons des ancêtres rappelant Predator, le liquide visqueux découvert par David sur une roche annonçant la future bave des Aliens ou encore l'hallucinante scène médicale, comme un écho à ses origines fictionnelles.
Vie et mort sont liées, création et destruction sont les deux
faces d'une même interrogation qui en toute logique trouve quelques
réponses dans l'origine même du film, à savoir sa séquence
pré-générique. Ne sommes-nous pas au final les seuls témoins, au début
et à la fin, de deux instants clés, majeurs dans le chaînon fictionnel
de la saga. La dernière séquence réserve ce qui est le véritable climax.
Jouissive scène finale tout autant que fondatrice, tandis que les
images liminaires, au bord d'une cascade, nous montrent la chute, dans
les deux sens, de celui qui devient le père créateur, l'alpha et l'oméga
au même instant. Pour nous aussi tout avait commencé avant. Ou quand de
la destruction naît l'émancipation...
Romain Faisant, écrit le 31/05/12 et mis en une de la rubrique Express Yourself sur le site de l'express.fr.
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