Écrit et réalisé par Pal Sletaune
...Les voies de l'incertitude
Quand une mère au quotidien déjà menaçant bascule dans la
psychose, la raison s'emmêle et les chemins se mêlent. En provenance de
la patrie des Millenium, voici un nouveau thriller nordique qui mérite
d'être découvert.
Troisième film de Pal Sletaune, on y retrouve Noomi Rapace, la
frêle et implacable interprète de Lisbeth Salender dans la trilogie
sus-citée. Elle incarne ici avec force et désarroi une mère apeurée,
fuyant avec son fils, Anders, un mari violent. Le film ne sera jamais ce
qu'il semble être. Tout d'abord drame social (barre d'immeuble grise,
services sociaux...), c'est à un triller que nous sommes soudainement
confrontés avant que le récit n'évolue encore vers une inquiétante
étrangeté aux limites du fantastique.
Pal Sletaune continue son exploration de l'autre, du voisin
suspect, de l'immersion dans cette vie, là, derrière la porte du
couloir. C'était déjà le cas avec son premier film, Junk Mail (1997), sur le registre de l'humour noir et encore dans son second, Next Door (2005), avec cette fois-ci une plongée perverse et horrifique dans l'appartement de deux jeunes femmes manipulatrices. Babycall
explore une autre facette de cet univers au travers d'un fil rouge,
certes classique, mais bien exploité. En effet, Anna, mère inquiète et
possessive, s'équipe d'un babyphone pour être à l'écoute du moindre
souffle de son enfant, dans la chambre voisine. En pleine nuit, elle
capte les cris d'un enfant provenant d'un autre appartement. On songe
bien sûr à Hitchcock pour Fenêtre sur cour (1954) et à Brian de Palma pour Blow out (1981).
Mais ce drame qui couve alentour ne fait qu'amplifier celui que vit
Anna, tout devient menaçant dans cette barre d'immeuble où les couloirs
ressemblent à ceux d'un hôpital...
D'hôpital, il en est justement question de façon parallèle avec
le personnage de Helge que rencontre Anna, vendeur c'est lui qui lui
fournit les appareils. Ce dernier veille en effet sa mère, mourante, et
doit prendre une décision cruciale. Ainsi, la mort, avec ses choix et
ses hésitations, rôde, tandis qu'Anna se lance dans une enquête pour
déterminer d'où viennent les cris. Guidée par le son, il lui faudra
remonter à la source. Mais à la source de quelle histoire ? Car les
personnes et les souvenirs se troublent, pourquoi cet ami qu'Anders
ramène à l'appartement lui ressemble-t-il étrangement ? Et ces endroits
où Anna oublie être allée...
Ainsi, les esprits se révèlent hagards dans un film qui nous
égare subrepticement, sans effets grandiloquents, mais en maintenant un
malaise constant. Cette immersion anxiogène et troublante dans des vies à
leur tournant, où le passé hante le présent, n'est pas sans nous
rappeler l'atmosphère de Morse (Tomas Alfredson, 2008), petite merveille norvégienne, où, déjà, dans la banalité d'un décor quotidien se jouait la vie et se donnait la mort.
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