dimanche 11 décembre 2011

► LES ÂMES GRISES (2005)


Réalisé parYves Angelo ; scénario d'Yves Angelo et Philippe Claudel

 
... La froide mélancolie des êtres

II fait froid, il gèle à l'extérieur et dans les cœurs. Des policiers sont là et regardent un corps, celui d'une enfant dont la blancheur reflète la pureté. Elle est morte, elle a été tuée. Le film emprunte alors la figure de l'analepse comme pour mieux nous murmurer que l'important n'est pas qui a commis ce crime mais qui sont les gens qui ont évolué autour. Le récit ne lance ainsi pas l'enquête, il lance les portraits de gens différents à une époque donnée (la Première Guerre Mondiale) dans un univers froid et gris, pesant et latent. C'est un chemin narratif que l'on retrouvait, mais sur le mode de la dérision, dans le fameux  Mais qui a tué Harry ? (Hitchcock, 1955) où le mort, plus que jamais, était un prétexte.

Le film baigne dans une atmosphère de froideur, de teintes grises en bleus ternes à l'image des uniformes des soldats qui hantent la ville et qui empruntent chaque jour le chemin qui les mène au combat, formant une ligne funeste. La guerre, et la mort qu'elle brandit comme une épée de Damoclès, pèse sur tout le film par son hors champ et la rend paradoxalement plus présente encore, que ce soit par lettres ou par la vision des ravages qu'elle fait subir aux hommes. Une séquence particulièrement réussie la noie justement dans la brume, un plan large ne nous montre que des exposions lointaines, là-bas, derrière le fleuve. Ce qui n'est pas sans nous rappeler l'affrontement hors champ de  La Guerre des Mondes (Spielberg, 2005). Comme pour ce film, nous suivons les destinées de personnages qui sont en marge du combat et qui le subissent d'une autre façon. Ainsi retrouvons-nous le son de ces explosions, en off durant tout le film, ce qui maintient à notre esprit et à celui des personnages, ce hors champ si présent.

La froideur de ces âmes en attente se fait ressentir par le travail sur la lumière et les couleurs (le réalisateur est avant tout un directeur de la photo). Par la mise scène qui installe une lenteur, au sens où elle s'attarde, parfois sur des détails, comme glacée elle aussi dans un fatalisme. Par les acteurs, remarquable Jacques Villeret, d'une exécrable froideur cynique et Jean-Pierre Marielle, figé dans une distance impériale, a la voix sentencieuse et pourtant peut être la plus humaine. Le ciel est lourd, les âmes sont en peine, la guerre gronde et il fait froid, mais ces âmes là finissent par nous accrocher sans nous ennuyer. Et derrière la dureté et le givre,c'est le souffle d'un père, en voix off, qui remplace celui des explosions, il est plein d'appréhension, mais c'est un souffle de vie, tandis qu'un travelling subjectif sur un nouveau né nous emporte nous aussi vers cet espoir, cette nouvelle âme...

Romain Faisant, écrit en Septembre 2005.

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