Réalisé par Bruno Podalydès ; scénario de Bruno Podalydès, d'après l'œuvre de Gaston Leroux.
...L'olfactif et l'oculaire
La chambre jaune avait son mystère, la dame en noir a son parfum et revoilà notre intrépide enquêteur à nouveau sur la brèche et cette fois, c’est de son passé qu’il lui faudra s’occuper. En effet, la mémoire ravivée de Rouletabille prend des allures de madeleine de Proust avec ces « petites brioches » que lui apportait cette étrange Dame en noir dans son orphelinat lorsqu’il était enfant. Se retrouve ainsi l'évocation d'une sensation de bonheur, d'un plaisir partagé, du rituel d'un moment intime...et mystérieux. La Dame en noir, désignée par une périphrase, faute de mieux, est avant tout une présence, une silhouette qui déambule, un parfum qui devient métonymique. Tant et si bien qu’elle disparaît presque derrière son parfum...
L'autre dominante est celle du regard, du fait de voir et tout ce que cela implique. Le générique pose, par le numéro de magie de Larsan, (à l’instar de celui de Gérard Majax et ses cartes à jouer pour le générique du Grand blond avec une chaussure noire, Yves Robert, 1972) la question de l'illusion et donc de la manipulation. Son numéro, de par ses accessoires, annonce aussi son cercueil aquatique mais dans les deux cas se sera la tromperie qui restera à la surface, une fausse mort et un masque flottant redoublant la mystification.
Les objectifs oculaires deviennent l'élément récurent des séquences : l'appareil photo qui ne saurait reproduire une réalité, d'autant plus que celle-ci est déjà trompeuse (le marié n'est pas le marié). De même, l'objectif de la caméra nous trompe en nous induisant en erreur, en mélangeant les pistes visuelles pour mieux dissimuler la vérité (scène de la photo). Sur l'île rocheuse, ce sont par les longues vues que les regards vont s'exercer, regards eux-mêmes déjà dissimulés derrières des lunettes de soleil. Les lunettes comme signe d'apparence extérieur, rempart à l'atteinte d'un regard non obstrué par un prisme de verre. L'illusion et sa réalité ne pouvant être différenciée devant l'objectif (scène du télescope dans le puits).
C'est véritablement l'envers des choses que met en jeu le film : l'envers d'un parfum, l'envers des regards et donc des gens. Ainsi cette toile blanche que n'arrive pas à remplir le professeur et qu'il finit par remplir à la fin en y dessinant un fond sous marin apparaît elle comme la métaphore de ce à quoi l'on vient d'assister : il faut creuser, faire fi de la surface pour espérer échapper à l'illusion. La comédie et le dispositif des regardés et des regardants prennent le pas sur l'intrigue policière qui n'est qu'un prétexte, Rouletabille est d'ailleurs pratiquement absent du film. Il faut ainsi se régaler des seconds rôle : Zabou Breitman, excellentissime de drôlerie et J-N Brouté, pierrot attachant, donnent au film tout son comique, toute sa légèreté qui contrebalance ainsi l'angoisse personnel de Rouletabille. Un parfum aux senteurs légères fait de noir et de mystère, de lumière et de spéculaire...
Romain Faisant, écrit en Septembre 2005.
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