jeudi 29 décembre 2011

► LES TÉMOINS (2007)

Réalisé par André Téchiné ; écrit par A. Téchiné, L. Guyot et V. Zingg.



 .... S’ébattre et se battre 

Ce film poignant est à l’image de son générique : sur un air d’opéra vif, entraînant, rapide s’inscrivent les mentions textuelles en rouge sur un plan fixe de Sarah (Emmanuelle Béart) tapant à la machine. Ce plan nous marque car il nous fait entrer de façon immédiate dans quelque chose qui se construit sur un rythme qui s’emballe. Il nous marque car le film nous y fait revenir par analogies : il est cette mesure, il est cette couleur, il est cette femme, il est ce qu’elle écrit.

Ce qu’on va voir sera ponctué de sa voix off, brève, sèche, atone mais marquante car expressive dans sa simplicité et son ton. Comme chez Proust, le livre, ici le film, sera au final ce que le personnage se décidera à écrire. Le film fait vivre et revivre à ceux qui ont été les témoins de l’époque, l’apparition de cette maladie qui n’a pas encore de nom à ses débuts et que chacun aujourd’hui préférerait ne pas avoir à nommer à travers ses quatre lettres, Sida.

C’est donc au cœur des années 80 que nous sommes plongées, les décors soignés et les costumes recréent avec justesse l’ambiance de l’époque. La lumière joue un rôle magnifique, elle est cette insouciance, elle est ce bonheur, elle est cette chaleur des premiers instants et l’espoir des derniers comme lors de cette séquence où Julie (Julie Depardieu), sur une scène d’Opéra, ballade une lanterne dans un noir mortuaire. Elle est cette vivifiante rencontre entre Adrien (Michel Blanc) et Manu (Johan Libérau) dont la fraîcheur éclate sur le pont ensoleillé d’une péniche qui vogue paisiblement. Medhi (Sami Bouajila) goûtera aussi à cette jeunesse et se laissera séduire lors d’une douce scène aux fluides fondus enchaînés.

Autre moment : les quelques pas de danse au soleil sur la terrasse : ils sont bien, on est bien, ça ne tient à rien...Si, ça tient à la vie, mais elle est mouvante, souvent fuyante, grain de sable au creux de la main et puis là, comme ça, ils sont mal, on a mal, plus rien ne tient et celle qui vient, elle tue. Rouge des passions, des déceptions, rouge sang. Jaune de la félicité, jaune qui se ternit mais qui revient, toujours. Jaune dévorant d’un feu, déjà le garçon n’est plus que consumation. Et puis jaune éclatant qui revient sur la robe d’Emmanuelle Béart à la toute fin, car il le faut bien. S’arrêter d’avancer, c’est mourir car la vie elle passe, elle lasse quand on se heurte à une impasse. Mais, alors, de guerre lasse en guerre tenace, le personnage de Michel Blanc, qu’on croyait vieux beau décadent comme en son temps Dirk Bogarde dans une Venise qui se mourrait, se reprend. Il lutte pour en sauver d’autres.

Pas d’effets larmoyants, de la tendresse dans ses ellipses, de l’émotion lors d’un chant du cygne d’une courtisane en play back et puis cette bouffées d’oxygène malgré tout. Quatre gros plans, quatre témoins, quatre rescapés, un film qui témoigne, qui empoigne. Un avant, un pendant et l’après, on le connaît. L’eau n’est plus sereine et pourtant c’est à vive allure, sur le bateau de ceux qui ont vu que s’achève ce commencement. L’air d’opéra est là, il file lui aussi vers cet espoir, n’oublie rien mais sait que c’est devant que se trouve la vie. La vie est toujours là, pour eux, pour nous. Elle court, se dérobe et pourtant on y a recours, elle est notre secours.

Romain Faisant, écrit le 19/03/07

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