Réalisé et écrit par Charles Dance, d’après l’œuvre de William J.Locke.
… Les âges du badinage
Par une nuit de tempête, la mer offre au rivage le corps d’un éphèbe brun (Daniel Brühl) que vont recueillir deux vielles dames, deux sœurs à la vie paisible et réglée comme une horloge. Cet ange du rivage nous en rappelle un autre : celui de La merveilleuse visite, film méconnu et tardif de Carné (1974). De la même façon, le début nous montre la découverte d'un homme sur la plage, un inconnu mystérieux, qu'on découvrira violoniste virtuose, comme cela sera le cas ici aussi. Tous deux, à leur manière, vont bouleverser la vie du village. Le générique nous installe dans l’univers de ces Ladies in lavender, titre original, presque une périphrase, et qui exprime délicieusement le statut de ces femmes âgées. Posées dans leur vie comme l’on imagine reposants sur une étagère des draps parfumés à l’odeur d’antan, bien pliés et qu’on ne sort jamais. Les premiers plans, à l’aide de ralentis, instaurent déjà cette douceur qui sera celle du film, figeant avec tendresse ces aimables et touchantes vielles dames.
Ursula (Judi Dench) est éblouie par le jeune homme apporté par les flots dès qu’elle le voit. Il réveille en elle des émois enfouis et telle une jeune fille, la vieille dame se met à papillonner, sous le regard atterré puis compatissant de sa sœur Janet (excellente Maggie Smith). Ursula se met à apprendre l’anglais au jeune inconnu qui se révèle être polonais et un violoniste hors pair, lui faisant découvrir les mots comme elle redécouvre l’amour. Une nouvelle vie paisible se met en route qui permet au film de développer avec beaucoup de réussite l’humour (voir par exemple le personnage de la bonne), l’on retrouve ainsi par moment tout le charme du fameux Harold and Maude (Hal Ashby, 1971) qui présentait une situation inverse, à savoir un adolescent épris d’une dame âgée.
Les situations sont ici bien plus convenues mais conservent pourtant leur attrait. Ainsi, il y a évidemment une belle jeune fille qui va venir troubler la maisonnée et rendre à la réalité nos dames, faire perdre ses illusions à Ursula…Peut importe, on est dans le conte et l’on accepte de bonne grâce ces scènes attendues car elles sont jouées avec plaisir et talent. Et les derniers plans nous ramènerons aux premiers, sur cette plage où s’est échoué celui qui n’allait faire qu’un passage, conservant son mystère, jamais nous ne saurons comment il est arrivé là, ni d’où il vient.
Il a traversé des vies, réveillant les sentiments de chacun (le docteur se met aussi à jouer les jeunes hommes, Ursula interroge sa sœur sur son mari décédé…). Comme dans Vers le Sud (Laurent Cantet, 2005) à la thématique voisine, ce sont également toute une galerie de personnages que le film croque, tous réunis autour d’un badinage sans âge qui peut laisser amer, quelque soit l’âge. Le portrait de l’inconnu de la mer prendra ainsi sa place sur un mur, figé à son tour dans le souvenir, devenant pour elles, a boy in lavender…
Romain Faisant, écrit le 06/02/06
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