Réalisé par Anne Fontaine; scénario d'Anne Fontaine et Julien Boivent
...La Belle et la Cage
Le film se situe dans la continuité d'une thématique de films tels que La moustache (Emmanuel Carrère, 2005) ou Lemming (Dominik Moll, 2005) à savoir le quotidien d'un couple qui bascule soudainement dans l'étrange et l'inquiétant avec l'arrivée d'un élément perturbateur. Cette déviance, cette plongée vers l’obscure, la réalisatrice la connaît bien. Elle a en effet déjà eu l’occasion de traité le sujet, à travers Nettoyage à sec (1997) ou encore Nathalie (2003), avec toujours le couple au cœur de l’histoire. Ici, elle se frotte au thriller (une femme rencontre un homme alors qu’un tueur en série rôde en ville) et ce avec une grande habileté, du récit à la direction d'acteur en passant par une mise en scène réfléchie en accord avec le fond.
On est plongé dans les ténèbres dès le début : le générique s'inscrit sur un écran noir tandis que l'on entend en off les voix des deux protagonistes. On est comme déjà dans le côté sombres des pulsions, de l'inconnu, on entend mais on ne voit pas comme Claire (Isabelle Carré, toute en justesse, toute en fêlure, toute en bouleversements des sens) côtoiera Laurent (épatant Benoît Poelvoorde, passant d'un registre à un autre avec une grande maîtrise) sans voir dans un premier temps le tueur qu'il est.
Laurent apporte littéralement un problème puisqu'il vient la voir pour un dégât des eaux, c'est en fait lui le problème et Claire, qui travaille pour une assurance, opérera un glissement d'attribution en l'aidant d'abord pour son dossier avant de l'aider lui au final. Le rapprochement est effectif par la valeur des plans avant même qu'il ne soit relationnel : l'on passe ainsi lors du dialogue inaugural d'un plan taille à un plan poitrine pour finir en gros plan. La relation est enclenchée. Elle le rejoint dès lors dans une cage de laquelle il est lui-même métaphoriquement prisonnier. Le motif de la cage revient de façon régulière dans le film : lorsqu'elle va le voir dans son cabinet vétérinaire, il met en cage un chien, au zoo elle passe à côté de nombreuses cages, apparaît à travers le hublot d'une porte (encerclée comme la relation se ressert entre eux), un travelling latéral sur les stores de son bureau la place littéralement en cage, bureau qui devient finalement cette cage lorsqu'elle s'y enferme, prise de panique.
Laurent en est tout autant prisonnier puisqu'il est victime de pulsions meurtrières (sens à double tranchant du titre) qui l'enferment dans sa propre détresse, il est une bête en sommeil (analogie avec le tigre endormi qu'il soigne). C'est dans une ambiance morbide et paradoxale, entre plaisir et déplaisir, nous rappelant In the Cut (Jeanne Campion, 2003), à la lumière froide que s'achèvera le drame, cédant à sa pulsion amoureuse, elle contrecarre la sienne, meurtrière, qu'il retourne contre lui. Et si elle retourne vers la vie (la fête foraine), c'est fatalement marquée, la roue a tourné et on ignore dans quel sens elle s’orientera...
Romain Faisant, écrit en Septembre 2005.
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