mercredi 21 décembre 2011

► L’ ENFANT (Palme d’Or 2005)


Écrit et réalisé par Jean-Luc et Pierre Dardenne



…La marche d’une vie.


Cette vie est celle de Bruno, sa copine vient d’accoucher et revient à l’appartement avec le nourrisson, car l’enfant s’avère très vite ne pas être celui que l’on croit. Comme pour  Rosetta  qui leur valut leur première palme d’or en 1999, les réalisateurs nous replongent dans un milieu social pauvre et difficile où les personnages se débattent pour survivre. L’histoire propose un pan brut d’une vie tandis que la démarche filmique est celle qui a fait ses preuves chez les deux frères réalisateurs : une ouverture in medias res et une caméra portée toujours en mouvement. 

Ainsi le film commence par le retour de Sonia, la copine de Bruno qui se heurte immédiatement à une porte close, celle de l’appartement, déjà confrontée à la figure de l’obstacle et à la dissension des désirs (elle ne peut rentrer chez elle car il a préféré louer l’appartement). La marche commence alors à la recherche de Bruno, portée par cette caméra mobile, comme pour nous faire emboîter le pas aux personnages, pour nous pousser à nous mouvoir comme se meut la caméra. Un cadre qui vit la situation plus qu’il l’accompagne et donc un spectateur qui évolue avec plus qu’à côté du personnage. Ce cadre qui malgré sa mouvance se place toujours à propos. Ainsi on notera par exemple l’occurrence de trois surcadrages qui marquent visuellement l’enfermement de Bruno dans la marginalité : il s’isole dans la cuisine quand l’infirmière vient voir le bébé, lorsqu’il se fait tabasser dans la ruelle et quand il se retrouve devant la porte que refuse de lui ouvrir Sonia. Les lignes verticales des plans isolent Bruno dans une vie qui va de mal en pis. 

Un autre motif important : celui de la marche, qui sera redondant et ponctue même le film. Bruno va et vient à travers des paysages ternes, magouille, pour lui tout se vend, même son enfant et donc lui-même car il est cet enfant. La silhouette brouillonne et la chevelure hirsute de Jérémie Renier  ainsi que son interprétation conviennent parfaitement au personnage de Bruno, enfant naïf vivant au jour le jour (saute dans la boue, fait des ronds dans l’eau avec un bâton). Le cinéma de Pialat trouve ici un écho, entre  autres dans le surgissement de moments de bonheur (le couple se chamaillant) ou à l’inverse de moments de violence (les cris de Sonia après un long moment de silence). Pour aider un autre enfant et pour s’aider lui-même, il finira par se « vendre », au sens de se donner à la police. Achevant sa  marche après une poursuite effrénée, les larmes, chorales, réunificatrices, adultes,  sont le signe d’une prise de conscience. Une fin in medias res. Un pan de vie qui s’adoucit.


Romain Faisant, écrit le 02/11/2005

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