de Roman Polanski ; scénario de Ronald Harwood d’après Charles Dickens.
… Les chemins de l’enfance.
Le film s’ouvre sur une gravure en noir et blanc, typée 19ème siècle, où l’on distingue de dos Oliver accompagné du garde qui le mène à l’orphelinat. Une seconde gravure suit, les deux personnages, toujours de dos, sont cette fois ci en plan rapproché, puis la gravure s’anime et se teinte (on en retrouve le principe dans Le Prince et le Pauvre (1978) de Richard Fleischer. Dans les deux cas le petit Oliver est toujours face à la route, face à une route, celle de l’orphelinat qu’on lui destine. Figé comme le sont les gravures dans un destin qu’on veut lui imposer.
Et pourtant une rupture s’opère dès ces premiers plans, un changement s’annonce par la mise en action de ce qui était inerte, de ce qui n’était que chose, la gravure prend vie et donne naissance au mouvement. L’infortuné Oliver, bien que toujours considéré comme une chose par les adultes (il est systématiquement poussé, traîné, heurté) va néanmoins aussi se mettre en marche, s’animer et sortir du cadre statique dans lequel une certaine société du 19ème le condamne. Il va s’extirper de l’immobilisme symbolique de ces gravures, aller contre ce qui semble établi.
Cet incipit filmique nous plonge ainsi déjà au cœur de la thématique de Dickens mais aussi de Polanski en posant la question de la fatalité et du motif de la croisée des chemins, des routes de la destinée. Deux univers vont ainsi fortement s’opposer : celui de la nuit, l’orphelinat aux couleurs grises et celui de l’échappée à travers les champs, baignés de lumière. Lors de son périple, Oliver s’arrête devant une borne indiquant London, on pense alors aux Contrebandiers de Moonfleet (1955) de Fritz Lang et à l’arrivée du jeune John Mohune à Moonfleet, regardant la pancarte indicatrice de sa destinée, au carrefour de son existence. Les thématiques sont d’ailleurs proches, celles de deux enfants sur une route initiatique, aux prises avec les adultes et une série d’épreuves qui fera d’eux des hommes.
Dans le film de Polanski, le franchissement d’un état à un autre, d’un destin encore vacillant à un destin affirmé se fera lors d’une scène clé. En effet, poursuivi, Oliver va franchir, via une poulie, le vide entre deux toits. Encore sous l’emprise du monde adulte, Oliver s’en détache définitivement puisque l’homme qui le traque se pend lui-même par accident, ou plutôt par fatalité, sous une pleine lune fortement marquée.
La lune est pleine, à son point maximal de croissance, achevant un cycle comme vient de s’achever celui de l’enfant. Il y a eu bascule, au sens propre comme au figuré. L’astre lunaire comme l’enfant sont prêts pour un nouveau commencement. Les gravures du générique de fin peuvent revenir, Oliver Twist n’y est plus figé…
Romain Faisant, écrit le 02/11/2005
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