Réalisé par Alan Taylor ; écrit par Laeta Kalogridis et Patrick Lussier
... L'affrontement générationnel
Cette année marque un retour aux
sources pour de célèbres sagas cinématographiques : il y a quelques
semaines, Georges Miller faisait resurgir de l’enfer sableux son tonitruant Mad Max (dont les aventures avaient
commencé en 1979) et puis évidemment, dans 6 mois, tous les écrans du monde
changeront de galaxie pour accueillir l’évènement stellaire que sera le nouveau
Star Wars (le premier film datant de 1977).
Terminator Genisys s’inscrit donc
dans ce mouvement qui ravive des figures de fiction appartenant à la mémoire
collective. Inaugurée en 1984 et portée par Arnold Schwarzenegger, la saga du
T-800 (modèle de la machine qu’il incarne) en est donc à son cinquième opus. Si
le diptyque réalisé par James Cameron est resté culte, les deux suites ont
moins fait l’unanimité, la dernière en date, Terminator Renaissance (2009) ayant même maladroitement privilégiée
comme héros un personnage inconnu (Marcus Wright) sans lien avec la mythologie
de la saga. Alan Taylor, ayant récemment acquis ses galons de réalisateur de
blockbusters après s’être occupé de Thor :
le monde des ténèbres, semble avoir compris les défauts dont avaient hérité
les derniers films. En effet, la genèse contenue dans le titre laissait augurer
d’un récit des origines et tel est bien le cas, mieux : c’est à une
réunion de famille que ce Terminator
Genisys nous convie et qui ne pouvait être complète qu’avec la réapparition
de son icône métallique, un Schwarzenegger libéré de ses fonctions politiques.
Là où Terminator Renaissance se
déroulait dans le futur autour du combat face aux machines, le film d’Alan
Taylor nous ramène vers ce passé où l’ordinateur Skynet ne s’est pas encore émancipé des humains.
Sarah Connor, son fils John et Kyle Reese, père de ce dernier, vont se croiser
dans le temps pour tenter d’empêcher un avenir robotique et mortifère sans
savoir que la menace est parmi eux…
« Je suis vieux mais pas obsolète ! » lancera à plusieurs
reprises celui que Sarah Connor (Emilia Clarke) appelle désormais « Papy » ! Le Terminator a le
visage familier de l’acteur (qui va avoir 68 ans) et le scénario s’amuse de la
question de l’âge et sur l’opportunité d’incarner à nouveau ce personnage qui
l’a rendu célèbre. Alan Taylor se sert intelligemment d’un constat réel pour en
faire un effet de second degré qui va de pair avec le côté pince-sans-rire du
T-800. On le verra même vieilli au grès des basculements temporels. De
nombreuses références aux films précédents émaillent l’histoire et l’une des
plus fortes sera la confrontation entre le Terminator vieillissant et son
propre modèle jeune (celui du premier film) avec le visage d’époque de Schwarzenegger.
Ce duel qui présente les personnages pose ainsi la question de la génération à travers
ce que chacun a été, est et sera. Sarah et Kyle (Jai Courtney) sont hantés par
des souvenirs de leur enfance, qui se confond avec le présent, l’enfant que
Kyle fut se trouvant dans l’époque où ils agissent. Les liens maternels et
paternels prennent d’ailleurs une vraie place dans Terminator Genisys : Sarah se retrouve face pour la première
fois à son fils devenu le chef de la résistance tandis que Kyle apprend que
John n’est autre que son père (ce que les films précédents avaient fait
comprendre). Le deuxième opus mettait l’accent sur la relation entre le jeune John et la machine venue le
protéger (trouvant en elle un père de substitution), ce nouvel épisode
privilégie l’entente affectueuse entre Sarah et le T-800. Même si ce dernier
n’est pas conçu pour éprouver des sentiments, on sent l’attachement
mutuel : « Protège ma
Sarah ! » demandera-t-il à Kyle lors d’un moment périlleux. Le
film renoue avec l’intime familial et Skynet ne s’y trompe pas en infiltrant le
cœur de cette lignée.
Film de son temps, Terminator Genisys fait de Skynet une
application qui corrompra tous les appareils connectés. « C’est le monde d’aujourd’hui, ils
accueillent leur extinction à bras ouverts sans le savoir » constate
Papy. En effet, à force de rendre indispensable les appareils numériques (ordinateurs,
tablettes, smartphones), l’humain s’est rendu vulnérable et le nouveau Messie
est une intelligence artificielle dont les premiers mots sont reçus avec
admiration par une foule conquise. Le T-800 est un symbole vintage qui a encore
une poigne d’acier et ses combats avec le T-1000 (fait de métal liquide comme
dans le deuxième film) le prouveront. Mais à l’heure de l’évolution
technologique et des pirates informatiques, il fallait un modèle plus
redoutable qui s’affranchit de l’exosquelette pour n’être plus qu’un amas de
particules métalliques à forme humaine. Et qui surtout est le résultat d’une
contamination entre une machine et un humain, ouvrant un nouveau champ des
possibles, transformant la filiation d’une famille touchée en son sein et par
là l’évolution de l’espèce. Alan Taylor a ainsi réussi à s’approprier la saga
en revenant aux fondamentaux, tout en faisant évoluer la mythologie vers des
situations inédites (on voit la machine à remonter le temps pour la première
fois) et posant d’autres questions. Le spectaculaire, très bien maîtrisé, ne
prend jamais le pas sur les personnages qui sont toujours au centre d’une
action haletante : ils sont à la fois l’effet et la cause de situations
bouleversées par les voyages temporels. La transmission humaine des valeurs est
peut-être alors le seul vestige pour survire au futur…
Publié sur Le Plus du NouvelObs.com
04/07/15