mardi 16 février 2016

► LES INNOCENTES (2016)

Réalisé par Anne Fontaine ; écrit par Sabrina B Karine et Alice Vial, sur une idée de Philippe Maynial


... La croix fertile 


Anne Fontaine fait partie de ces cinéastes qui s’intéressent en particulier au désir féminin, qu’il soit inattendu (Nettoyage à sec), dangereux (Entre ses mains) ou tabou (Perfect mothers) : les facettes de cette mécanique ambigüe et parfois imprévisible ont trouvé dans ses films une place de choix. C’est pourtant l’exact inverse qui semble régir sa nouvelle réalisation, l’histoire d’une contrainte et non d’une inclination. S’il y a bien un endroit censé être désexualisé, c’est le couvent et pourtant, celui du film voit y surgir l’acte de chair sous sa forme la plus vile. Désignées par le titre, Les innocentes sont des bonnes sœurs et des novices qui vivent recluses dans leur couvent en Pologne, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Mathilde est une française qui fait partie d’une mission de la Croix-Rouge venant en aide à ses compatriotes blessés. Cette jeune médecin va être amenée à intervenir dans le plus grand secret auprès des religieuses qui se trouvent confrontées à l’impensable : plusieurs d’entre elles se révèlent enceintes. Aucunes tentations coupables  derrière cette surprenante vérité mais l’œuvre perverse de soldats soviétiques ayant commis l’innommable. Le destin de ces femmes de Dieu est vu à travers le portrait de Madeleine Pauliac, à qui le film est dédié, et qui inspire le personnage de Mathilde. Car l’histoire découle de faits réels. Anne Fontaine ajoute donc à sa galerie féminine (elle qui avait déjà réalisé un biopic sur Coco avant Channel en 2009), un tableau à la forte personnalité : celui d’une femme médecin courageuse dans une situation inédite et complexe, oscillant entre son devoir, les risques d’un contexte troublé et surtout les réactions de patientes impréparées. La cinéaste française s’empare du non-désir pour y confronter une galerie de personnages enfermés (dans un lieu comme dans leur croyance) dont l’existence va être bouleversée par l’intrusion d’une violence extérieure. C’est avec une grande pudeur qu’elle met en scène cet authentique drame humain, délicate et sensible dans son approche de l’atroce, la réalisatrice questionne autant la foi mise à l’épreuve que le tempérament de femmes face à l’adversité.

« Je suis tenue au silence » : Mathilde rassure d’emblée les sœurs inquiètent de sa présence, ce vœu médical du secret professionnel à quelque chose de religieux, tel le secret de la confession. Cette analogie permet certainement à Mathilde d’obtenir une confiance, dans un premier temps fragile, de ces patientes singulières. Car sa venue est déjà une incartade : c’est une novice qui a le courage de sortir du couvent pour chercher de l’aide, en se faufilant dehors comme une fugitive. Tout va dans le sens de la clandestinité : Mathilde cache ses interventions à sa hiérarchie et Sœur Maria la fait revenir en cachette de la mère supérieure. La neige qui entoure le couvent est comme une chape blanche qui étouffe l’opprobre mais qui maintient aussi ces victimes dans le souvenir de leur innocence perdue. L’hermétisme complique le travail de Mathilde car la règle de l’institution religieuse peut parfois être sèche, le récemment disparu Jacques Rivette l’avait admirablement montré dans son célèbre Suzanne Simonin (1966), adapté de La Religieuse de Diderot. La toute puissante mère supérieure impose la rigidité de sa vision. C’est grâce à sœur Maria (touchante Agata Buzek) que Mathilde va peu à peu parvenir à faire partie de la communauté : elle tisse avec la religieuse une belle relation d’entente même si elle ne comprend pas toujours cette ferveur qui l’empêche d’intervenir à son gré. « Ne peut-on pas mettre Dieu entre parenthèse ? » se demande Mathilde. Les innocentes est un film qui pose légitiment la question de la foi face à un événement susceptible de l’ébranler : l’entrée de Mathilde dans ce monde clos est aussi celle du spectateur qui s’interroge. Le succès du film de Xavier Beauvois Des hommes et des dieux (2010) prouve l’intérêt des gens extérieurs pour le mysticisme d’un intérieur soustrait au regard. La réalisatrice ne fait pas d’angélisme et montre subtilement ce que peut être une vie dédiée à la croyance dans toute son ambivalence : « La foi, c’est 24 heures de doutes et une minute d’espérance » avoue sœur Maria en toute franchise.

Les préoccupations corporelles et physiologiques se doublent ainsi de visées spirituelles et psychologiques, le statut de chacune des protagonistes se trouvant nécessairement remis en cause. Anne Fontaine filme le chant des religieuses, pointant dans ses mouvements de caméra l’alignement des sœurs comme autant de figures similaires à l’habit répétitif : couvrez ce ventre qu’on ne saurait voir. La tenue des religieuses dissimule les effets d’une cause subie et participe de la volonté de refoulement que souhaite la mère supérieure, d’ailleurs les nouveaux nés ne sont-ils pas exfiltrés du couvent ? La venue de Mathilde (Lou de Laâge, déjà nommée par le passé à deux reprises pour le meilleur espoir féminin aux Césars, confirme un talent à suivre) va agir comme un choc révélateur : elle s’affranchit de la barrière de la tunique pour faire apparaître le corps, celui de femmes en passe de devenir mères et non plus de religieuses ayant fait vœu de chasteté. Mais aussi celui des enfants, qui ne sont plus, sous son impulsion, soustraits aux regards et qui s’imposent comme des êtres à part entière dont les cris rompent le sceau du silence. Sous l’uniformité du costume religieux surgit les individualités avec son lot de confidences. Mathilde est un trait d’union entre la vie monacale et l’existence civile, qui rappelle d’ailleurs à sœur Maria son passé à travers une jolie scène où il est question, précisément, d’une robe, mais qui n’a rien de catholique. L’histoire des religieuses influence aussi celle de la jeune médecin qui à son tour questionne sa vie de femme, elle qui flirte avec son collègue Samuel (très bon Vincent Macaigne). C’est toujours avec un ton juste et feutré (beau travail sur la lumière) qu’Anne Fontaine s’immisce dans ce lieu clos, en y filmant adroitement l’inquiétude comme la quiétude (telle la scène de détente au son du piano) dans un subtil entrelacs, véritable ode au dévouement.

Publié sur Le Plus de L'Obs.com

10/02/2016               

► STEVE JOBS (2016)

Réalisé par Danny Boyle ; écrit par Aaron Sorkin, d'après le livre de Walter Isaacson


... Les heurts du créateur


Alors qu’Apple vient de céder sa place en tant que première capitalisation boursière mondiale à cet autre géant informatique qu’est Google, le réalisateur britannique Danny Boyle revient sur le destin de l’homme qui a lancé ce qui deviendra la célébrissime « marque à la pomme ». Steve Jobs est le second biopic du cinéaste après 127 heures (2010) consacré à l’histoire vraie d’Aron Ralston, anonyme passé à la postérité suite à son dramatique accident et qui, coïncidence, avait travaillé chez Intel qui équipera, entre autres, certains produits Apple. Qu’on se serve ou non des machines initiées par l’américain, tout le monde connait le logo d’une marque devenue au fil du temps un repère évocateur. Bel exemple d’un symbole ayant supplanté son instigateur. Car que sait-on vraiment de l’homme derrière ses créations ? Le cosmopolite cinéaste choisit une figure complexe qui a suscité autant la contestation que l’adhésion,  à l’origine de révolutions technologiques comme d’un marketing offensif et addictif. Steve Jobs, disparu en 2011 et dont la biographie autorisée sert de base au film, aura bouleversé l’industrie informatique et bien au-delà puisque ce sont des modes vies qu’il aura contribué à faire évoluer. Mais que fut sa vie à lui, le penseur insatiable et convaincu, pendant une ascension parfois en dent de scie ? Y avait-il encore une place pour des rapports humains autre que ceux liés à des questions techniques ? Danny Boyle organise son film comme une série de matchs de boxe verbaux : la trajectoire du visionnaire américain se construit dans le conflit perpétuel avec autrui. Que ce soit sa dévouée assistante, son associé, ses camardes concepteurs ou son ex-compagne et sa fille : tous vont subir les foudres d’un démiurge génial mais irascible qui refuse la contradiction. La période choisie commence en 1984 pour s’achever en 1998 : deux dates fondamentales dans l’univers Apple qui correspondent au lancement du Macintosh puis de l’iMac. Entre ces événements publics, beaucoup d’évènements privés, toujours en lien avec la volonté de conquête d’un Steve Jobs qui voulait concevoir un ordinateur unique, fonctionnant en circuit fermé et dépendant exclusivement d’Apple. A l’image de lui-même ? Avec acuité et vivacité, Danny Boyle filme un inventeur à la vie imbriquée dans celle de sa machine qui devra apprendre que le langage informatique ne doit pas être l’unique optique.

Le cinéaste aime les destins hors du commun, les aventures fortes qui propulsent un protagoniste dans un tourbillon d’action et d’émotion : des drogués de Trainspotting (1996) à l’improbable gagnant de Slumdog millionnaire (2008) en passant par les survivants de 28 jours plus tard (2002), ses films, de genres très différents, font la part belle aux personnages. Avec Steve Jobs, le cinéaste tient, pour reprendre le titre d’un de ses films, une vie moins ordinaire (1997), qui va déterminer sa mise en scène. En effet, dès le début, il donne le ton et caractérise son personnage dans un vis-à-vis avec le Macintosh : le créateur face à sa créature qui est déjà une source de conflit. On se souvient du biopic sur Mark Zuckerberg, The social Network (2010), où le jeune entrepreneur était confronté à son narcissisme via son écran d’ordinateur. C’est la même interdépendance qui s’instaure ici et plonge Steve Jobs dans une colère virulente : tout doit être tel qu’il l’a conçu lors de cette présentation publique et il ne tolérera aucun accroc. La réalisation, dans son utilisation des champs-contrechamps, ses décadrages ou encore sa gestion des entrées et sorties des personnages des loges, donne corps aux affrontements successifs qui rythment l’ensemble du film. L’ordinateur étant toujours le point de convergence ou de divergence, lui qui occupe tant les pensées de son concepteur, comme l’affirme visuellement un bref mouvement de caméra lorsqu’il est allongé sur le canapé et que le Macintosh se substitue à sa tête. Deux duels verbaux sont particulièrement marquants : celui qui l’oppose à Sculley, l’homme qu’il a recruté et qui le licenciera d’Apple et sa lutte avec Wozniak, co-fondateur de la firme à la pomme, à qui il refuse la moindre reconnaissance quant à son apport au Macintosh. Steve Jobs est sur la scène, l’ancien camarade dans la salle, renvoyé du côté des simples spectateurs. Toute l’intransigeance de l’homme s’exprime dans cette distance idéologique et émotionnelle. 

Car c’est bien là que réside le fil rouge du film : Steve Jobs peut-il faire faire preuve d’empathie ? En particulier en ce qui concerne son ancienne compagne et sa fille. Quand elle lui parle paternité, il répond algorithme avec une froideur statistique. L’amoureux technologique refuse d’assumer son rôle de père. Le film joue sur ce parallèle entre le géniteur assumé du Macintosh et le père refoulé de la petite Lisa, l’ordinateur comme l’enfant ayant ainsi une trajectoire liée (tel le dessin qu’elle effectue avec la version primitive de Paint). La mère comme la fille sont là lors des moments clés de la vie de Steve Jobs, dans les coulisses des présentations, conçues comme des shows.  La tension est prégnante dans ces scènes intimes et conflictuelles qui contrastent avec les images d’un public conquis : c’est l’envers du décor d’une attitude qui promeut la perfection (avec toujours la précision d’un décompte horaire) et le chaos personnel qui règne derrière le rideau. Son assistante Joanna est le premier témoin de ces altercations répétées. Kate Winslet est excellente dans ce rôle de femme de caractère, fidèle dans l’adversité et pendant humain à la machine qu’est Steve Jobs. Michael Fassbender compose quant à lui un étonnant et virulent contradicteur qu’il aura en charge de faire évoluer dans le temps, la dernière partie du film lui permettant d’accentuer des sentiments enfouis. Au final, peu de plans d’ordinateurs, pas de jargon excessif mais un itinéraire : celui d’un homme qui avait tout compris aux ordinateurs et au marketing, anticipant les désirs des utilisateurs mais incapable de gérer ceux de ses proches. Portrait qui ne ménage pas son modèle, le film de Danny Boyle sur les heurts du créateur, porté par deux solides interprètes, décèle avec conviction l’émergence de l’homme de chair derrière la carrure électronique.

Publié sur Le Plus de L'Obs.com

03/02/16

mercredi 3 février 2016

► LES DÉLICES DE TOKYO (2016)

Écrit et réalisé par Naomi Kawase


... Fleurir à la vie

Repérée dès ses débuts en 1997 au festival de Cannes où elle obtient la Caméra d’Or pour son premier film Suzaku, la japonaise Naomi Kawase a poursuivi une belle carrière de réalisatrice en déployant un univers bien à elle dans lequel l’homme et la nature sont intimement liés. Régulièrement nommée à ce festival qui l’a fait connaitre, elle se voit attribuer le Grand Prix du Jury dix ans plus tard pour La forêt de Mogari. C’est dans la sélection Un certain regard que la cinéaste nippone a présenté Les délices de Tokyo l’année dernière. Toujours avec  cette douceur qui caractérise son style, elle invite le spectateur à partager une culture et un mode de vie qu’elle parvient à rendre sensible à nos yeux d’occidentaux. Et c’est précisément une pâtisserie typiquement japonaise qui lui permet d’introduire sa nouvelle histoire : le dorayaki, sorte de pancake fourré aux haricots rouges confis. Si la France est le pays de la gastronomie, le Japon est certainement celui qui fait le plus référence à la nourriture dans son cinéma, lui consacrant même parfois un film entier, comme le fameux Tampopo (Juzo Itami, 1985) et sa soupe aux nouilles qui est une référence dans le genre. Naomi Kawase a toujours parsemé ses œuvres d’éléments culinaires, en particulier dans leurs liens avec la terre nourricière. Les délices de Tokyo fait ainsi de la dégustation le ressort premier du film : Sentaro tient une petite boutique de dorayakis, activité qu’il mène sans passion pour rembourser une dette. Sa rencontre avec une vénérable vielle dame de 76 ans, Tokue, va bouleverser son quotidien. Celle-ci lui fait une proposition insolite : elle rêve d’exercer ce genre de métier et souhaite travailler pour lui. Il refuse poliment jusqu’à ce qu’il goûte les haricots confis mitonnés par la drôle de cliente… Il n’est évidemment pas uniquement question de cuisine dans ce film à la tendre mélancolie qui ouvre des perspectives sur les relations humaines et fait de la rencontre avec l’autre le point d’émergence d’un regard affiné sur soi et le monde. Plus qu’un film charmant et gustatif, une savoureuse leçon de vie.


« Il faut les cuisiner avec le cœur » : Tokue (Kirin Kiki) révolutionne la façon qu’à Sentaro (Masatoshi Nagase) de préparer les haricots, elle impose le fait maison là où il n’y avait que de la conserve. Au monde moderne et à sa rapidité, l’ancienne instaure son rythme, celui où le temps est un avantage et non une contrainte. A la jeunesse effervescente (représentée par les collégiennes pipelettes et clientes régulières) répond la sagesse de celle qui incarne, paradoxalement, une vision nouvelle pour Sentaro. Lui, le patron, comme elle l’appelle, devient l’apprenti, s’interrogeant et s’émerveillant devant les étapes de cuisson de la précieuse garniture. Il faut dire que la vielle dame s’adresse aux haricots comme à une personne et les traite avec la même délicatesse, voir cet amusant dialogue autour de la nécessité de les laisser faire connaissance avec le sucre ! Mettre de son temps dans une recette, c’est y laisser de soi-même et ce vécu, et aux uns et aux autres, va  trouver son ébullition en parallèle de la fabrication des dorayakis. Dans Tampopo, l’héroïne se transformait en fabuleuse préparatrice de nouilles grâce aux conseils avisés d’une équipe formidable, l’idée de la transmission d’un savoir-faire est reprise ici mais dépasse le cadre culinaire, il y a un échange entre plusieurs générations. C’est déjà ce qui était à l’œuvre dans La forêt de Mogari, Naomi Kawase y faisait cheminer ensemble, lors d’une échappée dans la nature, une jeune femme et un vieil homme endeuillé. Les deux s’apprivoisaient, entre autres, autour d’une dégustation de pastèque, comme Tokue et Sentaro se mettent à scruter ensemble les haricots. La nourriture est vue comme un vecteur de communication pouvant conduire à l’introspection. La gentille et travailleuse dame âgée entraine dans son sillage de bonté, en plus du solitaire pâtissier, l’introvertie Wakana (Kyara Uchida), collégienne habituée de la boutique mais bien différente de ses bruyantes camarades. Ces deux personnages trainent un mal être que la bonne fée cuisinière va remuer, elle-même étant atteinte d’un mal qui a changé sa vie.


Le cinéma de la réalisatrice japonaise est celui d’un éveil, aux sens, aux autres, à soi-même, qui s’effectue en adéquation avec une nature toujours présente, que ce soit à travers la flore (champs, forêts, plantes…) ou ses manifestations (le vent ou la pluie qui donne lieu à une séquence forte dans Shara, film que la cinéaste réalise en 2003). Les délices de Tokyo met à l’honneur l’un des emblèmes du Japon, à savoir les cerisiers en fleur. Sublimés par la réalisatrice, ils surplombent la boutique de Sentaro qui ne semble pourtant pas y faire attention, leurs pétales sont mêmes vus comme des parasites qui tombent parfois dans la pâte. Par contraste, le regard de l’attachante Tokue, se tourne avec intérêt vers cet élément végétal qui marque les saisons au cœur de l’urbain. « Toute chose qui existe dans ce monde a son langage propre » enseigne-t-elle à Wakana et Sentaro : cette ouverture d’esprit appelle celle des sens et donc de l’existence. La réflexion abordée dans La forêt de Mogari trouve ici son prolongement : qu’est-ce qu’être vivant se demandait le vieil homme ? Un sage lui proposait deux réponses : être vivant, c’est manger ; et vivre, c’est des sensations. Tokue, à travers sa douloureuse histoire, s’est forgée une façon d’être qui l’a conduite à oser prendre ce chemin pâtissier et par ricochet à révéler le goût d’une nourriture du corps comme de l’âme. Dans ce film attendrissant à l’entrain communicatif, ces protagonistes isolés trouvent chacun en l’autre l’ingrédient qui leur manquait pour s’accomplir et fleurir à la vie.


27/01/16