jeudi 11 avril 2013

► EFFETS SECONDAIRES (2013)

Réalisé par Steven Soderbergh ; écrit par Scott Z. Burns 


 ... Jeux de dupes

Le cinéma de Steven Soderbergh a toujours eu cette tendance à la manipulation, à se jouer de ses personnages comme de ses spectateurs. Et son nouveau film s’inscrit dans cette lignée d’intrigues retorses où la dissimulation et la tromperie s’incarnent à différents niveaux, que les personnages en soient les victimes ou les instigateurs. Thriller pharmaceutique prenant, Effets secondaires, nous introduit dans cette petite notice qui accompagne nos médicaments et que personne ne lit. Là, écrit en tout petit se cache peut-être l’annonce d’un drame. Le psychiatre Jonathan Banks (Jude Law) va en faire l’expérience violente. En effet, sa patiente, Emily Taylor (Rooney Mara) est accusée d’avoir tué son mari en état de somnambulisme suite à un traitement qu’il lui a prescrit. Et si elle est reconnue victime, il est le coupable désigné. Quand un homme qui est censé être garant de la raison se retrouve aux abois, la lutte promet d’être une thérapie choc pour celui dont la vie vacille et qui va devoir mettre en pratique à ses propres fins son esprit d’analyse.


Le remarquable début du film brille par la simplicité efficace de son trompe l’œil que l’on ne saisit qu’à la fin (la façade auquel succède l’appartement du drame) et ce renvoi à cette image initiale définit le concept même du film. A savoir que la logique de l’apparence n’est pas forcément synonyme de transparence. A l’instar d’une intrigue où les personnages sont toujours ce qu’ils veulent qu’on voit d’eux mais jamais ce qu’ils sont vraiment. Souvenons-nous que l’étymologie de personne vient du latin persona, masque de théâtre. Et n’est-ce pas précisément le rôle du psychiatre que de nous faire tomber ce masque ? Sauf que les pilules ont peut-être trop remplacées un processus analytique devant se faire sur la durée. Ainsi, dans un monde où chaque maux doit avoir sa solution en cachet (Emily voit la pub dans le métro pour cette nouvelle pilule contre la dépression, sa supérieur est également adepte de ces traitements), on a tendance à négliger les dommages collatéraux. Banks lui-même ne résiste pas aux sirènes des représentants pharmaceutiques, plus dans un but mercantile que scientifique (voir la scène où il fait signer une patiente). Soderbergh nous avait déjà plongés avec maestria dans l’univers médical à travers son Contagion (2011) où, ironie amusante, le personnage joué par Jude Law y dénonçait la méconnaissance des effets d’un traitement anti-virus.


A la manière d’un travail analytique où des détails de la vie d’un patient sont parfois les révélateurs d’un problème sous-jacent, le film de Soderbergh va distiller ces indices noyés dans un tout cohérent que seul un travail rétroactif permettra de mettre en lumière (le stylo, le prénom). Et comme dans un de ses premiers films, Sexe, mensonges et vidéo (1989), c’est en dehors du cabinet du psychiatre que vont se résoudre les conflits. On note d’ailleurs qu’il fait de nouveau appel à la mise en scène d’une caméra pour faire surgir une vérité (scène du sérum à l’hôpital), comme dans le film précité, ce qui amenait les personnages à prendre conscience de quelque chose sur leur vie. Ici, c’est Banks qui fait appel à son esprit de déduction pour reconstituer ce qui lui a échappé, ce qu’il n’a pas vu, se muant en enquêteur (l’interrogatoire au travail d’Emily) même si paradoxalement ce qui le disculpe l’accuse aussi (les photos volées).


Le réalisateur nous amène habilement dans des méandres piégeurs et multiplie les trahisons comme il l’avait fait dans A fleur de peau (1995) où tout évoluait jusqu’à la toute fin. L’intérêt ici se situe à plusieurs niveaux comme les intérêts des personnages. Il y a non seulement une intrigue inaugurale à résoudre concernant les effets meurtriers d’une pilule mais cette quête devient aussi une question de survie sociale et une minutieuse démonstration de la façon dont Banks va s’approprier les armes manipulatrices de ses adversaires (tromperies verbales et visuelles) afin de mener à son terme cette « psychothérapie » d’un autre genre. Car ce travail effectué sur autrui par son entremise de spécialiste n’a- t-il pas à terme les mêmes aboutissements qu’une enquête avec ses indices, ses confrontations et sa résolution, synonyme de guérison et donc de liberté ? Effets secondaires est une thérapeutique électrique.

3/04/13

Sélectionné et publié par Le Plus du nouvelobs.com

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